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La sanâa de Tlemcen ou gharnati, sanâa-gharnata (arabe : الغرناطي) désigne le répertoire de musique arabo-andalouse algérienne de l'école de Tlemcen et porte en souvenir, le nom de la ville espagnole de Grenade, dernier bastion de l'Andalousie sous souveraineté musulmane. Les Grenadins quittant la région devant la Reconquista ramènent vers le Maghreb leurs traditions musicales, dont le style qui découle d'une symbiose entre divers apports arabo-ibériques.
La Sanâa de Tlemcen est généralement exécutée en petite formation, composée de musiciens à la fois instrumentistes et chanteurs, et valorisant le chant en solo. Le chant est exécuté à l'unisson par un ensemble restreint, parfois enrichi d’ornements vocaux effectués par le mounchid, ce qui différencie le gharnati d'autres styles de musique arabo-andalouse.
Gharnati signifie « originaire de Grenade ». C'est le nom spécifique attribué en Algérie, à la nouba de l'école de Tlemcen, à côté de la sanâa de l'école d'Alger et du malouf de l'école de Constantine,,. Toutefois, selon Taoufik Bestandji, « école » est un terme impropre et flou, il n'y a pas de différences structurelles entre les spécificités de ces « Écoles ». Cette école se réclame de Grenade et porte le nom de la ville andalouse. Au-delà des rapprochements avec les villes d'Andalousie, les différences que l'on y décèle restent plutôt liées aux influences locales qu'à une différenciation originelle.
Le terme gharnata est revendiqué par l'école de Tlemcen. Cependant, selon Rachid Aous et Mohammed Habib Samrakandi, le terme y désigne plus généralement le répertoire andalou, y compris le houzi et l'aroubi, en opposition à la musique moderne, le mot sanâa est employé pour annoncer un programme distinct du hawzi ou de l'aroubi. L'école de Tlemcen, est par ailleurs également, appelée « sanâa de Tlemcen »,,. On désigne habituellement par ce terme, à la fois une pratique et un répertoire de compositions musicales (de types modales) et de poèmes strophiques (mouachah et zadjal) inspirés de l'Espagne musulmane.
Le gharnati de Tlemcen a beaucoup de similitudes avec la sanâa d'Alger, ce n'est qu'avec la création de l'orchestre classique arabo-andalou de Radio d'Alger en 1946 qu'a eu véritablement lieu la dissociation entre les deux écoles. L'école possède des satellites à Nedroma, Oran et Mostaganem.
Le Gharnati est basé à Tlemcen mais se joue également dans d'autres villes de la région. Ce style est le plus proche de l'original médiéval et bénéficie d'une tradition orale ininterrompue dans la ville depuis son introduction. C’est dans une atmosphère culturelle inspirée durant la période zianide que s'est développé cette école musicale.
Grenade et Tlemcen ont partagé des intérêts communs et établi des alliances : les dynasties nasride de Grenade et zianide se sont liées contre la couronne d'Aragon et à la dynastie mérinide, toutes deux précédemment alliées aux Nasrides, au XIIIe siècle. Les Morisques, expulsés en 1609, renforcent à leur tour l'héritage arabo-andalou dans cette ville.
Le modèle référentiel de cette école a été élaboré par cheikh Larbi Bensari, figure charismatique, qui a occupé tout le terrain de l'école de Tlemcen et qui a légué sa conception, certes héritée des anciens, la seule reconnue au début du XXe siècle, les traditions alternatives des maîtres de la même classe d'âge que ce dernier n'ont plus laissé de trace.
Au début du XXe siècle, beaucoup d'associations de gharnati ont vu le jour dans les villes de l'Ouest algérien, notamment La Société lyrique et artistique musulmane (SLAM) à Tlemcen. Grâce à des familles algériennes de Tlemcen et d'Alger, cette musique a été diffusée et implantée au Maroc, à Oujda et à Rabat, où des cheikhs (« maîtres musiciens » du genre) ont fondé des conservatoires au XXe siècle.
Durant la période coloniale, le style gharnati s'est implanté à Oujda à partir de Tlemcen, ville marocaine proche de cette dernière, au début du vingtième siècle. C'est un Tlemcenien du nom de Mohamed Bensmaïn qui fonda en 1921 l'association musicale Al Andaloussia de Oujda; c'est la première association du genre au Maroc. Quelques années plus tard, c’était au tour d’un autre maître de Tlemcen du nom de Mohamed Benghabrit de créer une autre association de gharnati à Rabat. De nos jours,on trouve des associations à Rabat et Oujda qui suivent la tradition de l'école de Tlemcen.
Jerrilynn D. Dodds, qui rappelle la pratique du gharnati à Tlemcen et Oran, mentionne également son implantation par des familles algériennes dans les villes d'Oujda et Rabat. Au Maroc, le gharnati porte la marque algérienne qui le fait nommer « dziri » par les gens de Fès.
L'école de Tlemcen utilise un système musical modal basé sur seize modes (طبوع : tūbūb') traditionnellement, répartis en modes fondamentaux et en modes dérivés.
L'exécution du mizân est assurée par deux instruments à percussions, la darbouka et le târ en frappant alternativement, le centre et les rebords ce qui génèrent un temps fort (Dum) et un temps faible (Tac), respectivement. En outre, les cymbalettes du târ génèrent un son supplémentaire plus clair (Ecss).
On distingue huit rythmes :
Dans l'école de Tlemcen (San’a, Gharnata), une nouba est une suite ordonnée de pièces vocales et instrumentales qui s’articule autour de cinq mouvements dont le rythme progresse du très lent au très léger et qui sont réparties en deux phases théoriques, la première comportant les trois premiers mouvements (mṣeddar, bṭāyḥī et derǧ) et la seconde, les deux derniers (inṣirāf et meẖles). Enfin, le nom de chaque mouvement est tiré du rythme cyclique qui le soutient.
Il s'agit d'une suite de pièces vocales (mouachah et zadjal) et instrumentales où se succèdent différents modes et différentes structures rythmiques (mîzān əl-qṣîd ǧwāb (8/4), mīzān ə-sofyān (7/4), mîzān əl-bašrāf ǧwāb (4/4) et bašrāf qawl (8/4), mîzān əl-Gūbbāḥī (4/4) et mîzān əl-inṣirāf (6/8)), contrairement à la nuba classique qui adopte un seul mode.
Elle repose sur une structure particulière :
Certaines tūšiyya sont empruntées à la nuba :
D'autres, sont typiques à nubat əl-inqilābāt :
La succession des modes suit ce schéma : Mawwāl (Do), Zīdān (Ré), 'Iraq (Mi), Məzmūm (Fa), Ǧārkā (Sol), Raml əl-Māya (La) et enfin, Sīkā (Si). Le passage entre chacun se fait quant à lui, par modulation lors de l’exécution du dernier inqilāb ou du meẖles en mettant en évidence la note principale ((ara) قرار الطبع, qarāru ə-ṭṭabʿ) du mode suivant à la suite de quoi, une nouvelle nubat inqilābāt est exécutée en partant d'une nouvelle tūšiyya jusqu'au meẖles.
Slisla (سليسلة), litt. « petite chaîne » (diminutif de سلسلة : silsila, « chaîne »), désigne une nubat inqilābāt dont les pièces (inqilābāt) évoluent dans la même structure rythmique (mīzān), telles que slislet mîzān əl-qṣîd, slislet mīzān ə-ṣofyān, slislet mīzān əl-bašraf et slislet mīzān əl-inṣirāf. Chaque slisla débute par une mšālyā et une tūšiyya d'un mode et d'une structure rythmique proches de ceux de la slisla, et se termine par un meẖles.
La qadriya est une courte pièce vocale composée en
(mîzān əl-inṣirāf) et sur des mélodies appartenant à sept modes dont le mawwāl, le zīdān, la ğārkā, le raml əl-Māya, l'‘Irāq et la sīkā.
L'héritage poétique du répertoire de Sana'a ou Gharnata est d'une grande richesse, et ce, depuis des siècles. Parmi les contributions les plus anciennes, il y a de nombreux textes issus de poètes de l'époque classique. Parmi ceux-ci, les œuvres du poète arabe, Abou Nouwas (757-815), se distinguent particulièrement par leur forme chantée. En tant que poésie intégrée à la tradition andalouse, il s'agit peut-être de l'héritage le plus ancien, remontant à l'époque de Ziriab.
Depuis le XIIe siècle, cette musique s'est totalement renouvelée à partir de textes poétiques inspirés par le nouvel élan du zadjal, qui a progressivement remplacé le mouachah pour finalement donner naissance au Zadjal-Beldi. L'ère du zadjal n'a cependant pas empêché les poètes de continuer à composer dans les deux formes. C'est le cas, par exemple, du poète-médecin tlemcénien Abi Djamaa Talalissi et-tilimsani.
Djelloul et Amokrane al-Hafnaoui évoquent dans leurs travaux les contributions des poètes et lettrés du Maghreb central (Algérie), notamment ceux qui ont créé un grand nombre de mouachahs, présents dans le répertoire musical. Parmi ces éminents auteurs figurent Ibn Khalaf, Ibn Kharaz al-Bidjaï, ainsi qu'Ali Ibn Zeîtouni. Dans son ouvrage consacré à l'histoire de la littérature en Algérie, l'historien Mohamed ben Aamrou Temar mentionne également un groupe de poètes remarquables qui se sont illustrés dans le genre du mouachah. Parmi eux, nous trouvons Abi Ali hassan ben al-Fakkoun al-qoçantini, Mohamed al-Arissi, ainsi que Shams eddine Mohamed ben Afif eddine tilimsani, connu sous le nom de chab eddharif.
La musique gharnati est composée en grande partie d'œuvres poétiques chantées d'auteurs de Tlemcen, ayant vécu à l'époque zianide et de leurs contemporains, jusqu'au début du XIXe siècle :
En outre lors de son séjour à Sidi Abou Madyane, Sidi Lakhdar Ben Khlouf composa plusieurs de ses élégies chantées dans la sanaa, tel que Tahia bikoun koullou ardin tanzilouna biha et Lamma bada minka el kaboul.
Parmi les poètes andalous :
L'école de Tlemcen avait été choisie pour représenter l'Algérie au premier congrès de la musique arabe ayant eu lieu au Caire, en 1932 par un orchestre dirigé par Hadj Larbi Bensari au rebāb, accompagnés de ses deux fils, Redouan et Mohammed ben Sari à la kamandja, d'Ahmed ben Sari à la snītra et au chant, son cousin, de Mohammed ben Sari à la kamandja, de Mohamed ben Sari au tār, d'Abdallah ben Mansour (alias Khalid Ould Sidi Aissa) à la darbouka, d'Abdelhamid Settouti au ney, et de Omar Bekhchi à la Kuitra.
L'ensemble y avait interprété plusieurs morceaux issus des différentes nûbas du répertoire de Tlemcen ainsi que des morceaux issus du répertoire populaire tlemcénien, dont le registre hawfi.
Lors du 6ème Printemps Musical d'Alger, l'association Ennahda, un orchestre de jeunes musiciens d'Oran, a joué la nouba Raml al-'ashiya dans une forme presque identique à celle exécutée par l'orchestre de Larbi Bensari lors du Congrès du Caire en 1932. Les textes, mélodies et rythmes étaient identiques (à l'exception du rythme qsîd qui a accompagné la tûshiya).
Le gharnati est une importante composante des musiques arabo-andalouses au Maroc. Ses interprètes :
Corpus de l'école de Tlemcen
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