Le conclave de 1878 fut convoqué à la suite de la mort du pape Pie IX au Palais apostolique du Vatican le afin de lui désigner un successeur. Ce conclave rapide en trois tours de votes se déroula dans des circonstances particulières, différentes de celles connues jusqu'alors, et aboutit à l'élection du pape Léon XIII.
Des circonstances nouvelles
Trois circonstances principales rendirent ce conclave différent des précédents.
Il était convoqué après un pontificat de presque 32 ans, le plus long depuis celui de saint Pierre, ce qui implique qu'à cette élection, il n'y avait plus que 4 cardinaux vivants de l'antépénultième pontificat (celui de Grégoire XVI) et que tous les autres avaient été créés par Pie IX, reflétant ainsi une composition du Sacré Collège en adéquation avec la vision du monde et de l’Église de ce dernier.
Il s'agissait du premier conclave qui allait désigner un pape qui ne règnerait plus sur les États pontificaux, ces derniers ayant disparu avec l'unification du royaume d'Italie en 1870 et l'apparition de la question romaine.
Et en conséquence, un changement de lieu : la plupart des derniers conclaves se tenaient au Palais du Quirinal à Rome, or l'ancienne résidence des papes était devenue la propriété d'Humbert Ier, roi d'Italie . À la suite des protestations de Pie IX, et pour éviter toute influence du gouvernement italien, certains cardinaux proposèrent Malte, Munich ou une ville espagnole, mais devant les assurances discrètement obtenues par le cardinal di Pietro, doyen du Sacré collège, le conclave se tint finalement dans la chapelle Sixtine au sein de l'enceinte du Vatican.
Les questions auxquelles étaient confrontés les cardinaux
Lorsque les cardinaux se rassemblèrent à la fin , ils étaient face à un dilemme. Devaient-ils choisir un pape qui s'inscrive dans la continuité des idées politiques et religieuses conservatrices de Pie IX, et qui continuerait à refuser la Loi des Garanties italienne (qui garantissait au pape la liberté religieuse dans le royaume d'Italie) ? Le pape avait laissé entendre que le rédacteur du Syllabus, Luiggi Bilio était ainsi celui qui avait sa préférence. Ou devaient-ils au contraire choisir un pape plus libéral qui œuvrerait à la réconciliation avec le Roi d'Italie ? Est-ce que le choix d'une telle ouverture serait perçu comme une trahison envers le défunt pape, qui s'était proclamé « prisonnier au Vatican » ?
D'autres questions venaient se superposer au débat :
les relations entre l’Église et l’État en Italie, avec la Troisième République française, en Irlande et aux États-Unis ;
l'hérésie que le pape Léon XIII appellera plus tard l'Américanisme ;
les divisions au sein même de l’Église après la proclamation de l'infaillibilité pontificale par le Premier concile de Vatican ;
le statut du Premier concile de Vatican, interrompu après la libération de Rome par les Italiens, mais n'ayant pas été achevé.
Bien que la question n'ait pas été formellement posée, il existait un autre sujet découlant de la durée du règne de Pie IX. Les cardinaux devaient-il élire un cardinal jeune qui règne plusieurs décennies ou devaient-il opter pour un cardinal plus âgé qui jouerait le rôle de pape de transition ?
Déroulement du conclave
La première congrégation générale des cardinaux se tint dès le lendemain de la mort de Pie IX.
L'entrée en conclave se fit le 18 février 1878.
De manière exceptionnelle pour un conclave, les résultats des différents tours de scrutin furent rendus publics.
Premier tour (matin du 19 février)
Le premier tour, invalidé parce qu'un cardinal n'a pas marqué son bulletin permet tout de même, le matin du , de distinguer trois cardinaux :
Gioachino Pecci : 19 votes ;
Luigi Bilio : 6 votes ;
Alessandro Franchi : 4 votes.
Deuxième tour (après-midi du 19 février)
Pecci 26
Bilio 7
Franchi 2
Troisième tour (matin du 20 février)
Pecci 44 - élu
Il prend le nom de Léon XIII « en reconnaissance pour Léon XII qui lui avait permis d'entrer au collège romain de l'Académie des Nobles en 1824. », et pour le pape Léon Ier, dit le Grand.
C'est au cardinal Caterini, dans son rôle de proto-diacre du Sacré collège, qu'il revint d'annoncer officiellement l'élection du nouveau pape.
Résultat, implications et événements ultérieurs
L'élection du cardinal Pecci, qui prit le nom de règne pontifical de Léon XIII, était une victoire du camp des libéraux. Le diocèse de Pecci faisait partie du royaume d'Italie (et non plus des États pontificaux), et la transition s'y était effectuée sans incidents majeurs. Le cardinal Pecci était un diplomate pragmatique avec le tact et la flexibilité qui faisaient défaut au pape Pie IX. Âgé de 68 ans, Léon XIII disposait encore de la « jeunesse » et de la force physique nécessaires à sa mission, mais il était assez âgé pour que la durée prévisible de son règne n'excède pas dix à quinze ans. Alors que le comportement de Pie IX avait isolé l’Église dans l'opinion publique internationale (la manière dont il avait envisagé le sort des minorités a été condamnée par de nombreux dirigeants, tels que William Ewart Gladstone), Léon XIII était perçu comme un « internationaliste » qui pourrait regagner le respect et la considération de l'opinion publique internationale.
Le pape Léon XIII semblait donc s'inscrire en opposition totale avec son prédécesseur. Cependant, ils avaient quelques points communs. Bien que souffrant tous deux de problèmes de santé, ils eurent parmi les plus longs pontificats. Celui de Léon XIII, qui devait durer 25 ans, est le quatrième plus long pontificat (depuis la mort de Jean-Paul II). Loin d'être un pape de transition, Léon XIII surprit beaucoup d'observateurs en vivant jusqu'à 93 ans. Il meurt le , ce qui fait de lui le pape le plus âgé au moment de sa mort.
Composition du collège cardinalice
Arrivés trop tard : 2 cardinaux
Paul Cullen, archevêque de Dublin (Primat d’Irlande)
John McCloskey, archevêque de New York (États-Unis), premier cardinal créé aux États-Unis
Absent pour raisons de santé :
Godefroy Brossais-Saint-Marc, archevêque de Rennes (France)
Cardinaux présents, créés par Grégoire XVI :
Luigi Amat di San Filippo e Sorso doyen du Sacré-Collège
Friedrich Johannes Jacob Celestin von Schwarzenberg, prince-archevêque de Prague (en Bohême, alors possession de l'empire d'Autriche-Hongrie)
Fabio Maria Asquini
Domenico Carafa della Spina di Traetto
Cardinaux présents, créés par Pie IX :
Ferdinand François Auguste Donnet
Prospero Caterini
Camillo di Pietro, doyen du collège des cardinaux
Gioacchino Vincenzo Raffaele Luigi Pecci, Camerlingue de la Sainte Église catholique romaine (Chambellan), archevêque de Pérouse (Italie), qui fut donc élu
Antonio Benedetto Antonucci
Teodolfo Mertel
Antonio Maria Panebianco
Carlo Sacconi
Antonio Saverio De Luca
Filippo Maria Guidi
Jean-Baptiste François Pitra
Henri Marie Gaston Boisnormand de Bonnechose
Luigi Maria Bilio,
Domenico Consolini
Gustave-Adolphe de Hohenhole-Schillingsfürst
Giuseppe Berardi
Lucien-Louis-Joseph-Napoleon Bonaparte, prince de la famille Bonaparte
Edoardo Borromeo
Innocenzo Ferrieri
Raffaele Monaco La Valletta
Juan de la Cruz Ignacio Moreno y Maisanove
Flavio Chigi
Alessandro Franchi
Joseph Hippolyte Guibert, archevêque de Paris (France)
Tommaso Maria Martinelli
Inácio do Nascimento Morais Cardoso
Luigi Oreglia di Santo Stefano
René-François Régnier, archevêque de Cambrai (France)
János Simor
Ruggero Luigi Emidio Antici Mattei
Domenico Bartolini
Victor-Auguste Dechamps, archevêque de Malines (Belgique)
Pietro Gianelli
Mieczysław Halka Ledóchowski, archevêques de Gniezno et de Poznan, (Pologne, faisant alors partie de l'Empire russe
Henry Edward Manning, archevêque de Westminster (à la tête de l’Église catholique d'Angleterre et du Pays de Galles)
Lorenzo Ilarione Randi
Giovanni Simeoni, alors cardinal secrétaire d'État au moment du conclave
Bartolomeo d'Avanzo
Johannes Baptiste Franzelin
Francesco Saverio Apuzzo
Francisco de Paula Benavides y Navarrete
Luigi di Canossa
Louis-Marie-Joseph-Eusèbe Caverot
Frédéric de Falloux du Coudray
Manuel Garcia Gil
Edward Henry Howard
Lorenzo Nina
Miguel Payá y Rico
Enea Sbarretti
Luigi Serafini
Johann Baptist Rudolph Kutschker, archevêque de Vienne, Autriche-Hongrie
Josip Mihalovic
Lucido Maria Parocchi
Vincenzo Moretti
Antonio Pellegrini
Sources notes et références
Liens externes
Article de L’Osservatore Romano détaillant le résultat des différents tours de scrutin lors du conclave de 1878