![Révolution des Œillets Révolution des Œillets](/modules/owlapps_apps/img/errorimg.png)
La révolution des Œillets (Revolução dos Cravos en portugais), également surnommée le (25 de Abril en portugais), est le nom donné aux événements d' qui ont entraîné la chute de la dictature salazariste qui dominait le Portugal depuis 1933.
Ce que l'on nomme « révolution » a commencé par un coup d'État organisé par des militaires qui s’étaient progressivement radicalisés par rejet des guerres coloniales menées par le Portugal, en Afrique. Ce coup d'État, massivement soutenu par le peuple portugais, a débouché sur de profondes divisions sur la façon de refonder le pays et en a profondément changé le visage socio-politique. C'est l'instauration de la démocratie au Portugal après quarante ans de dictature salazariste. Évènement essentiel de l'histoire européenne de l'après-Seconde Guerre mondiale, le marque le début de la démocratisation du Sud de l'Europe, celui-ci étant suivi par la chute des dictatures espagnole et grecque.
La révolution des Œillets a eu la particularité de voir des militaires porteurs d'un projet démocratique (mise en place d'un gouvernement civil, organisation d'élections libres et décolonisation...) et cherchant à renverser une dictature sans pour autant instaurer un régime autoritaire et militaire.
La fleur d’œillet est devenue un symbole de la révolution d'.
Son nom viendrait de l'œillet rouge que les militaires du Mouvement des Forces armées auraient arboré à leur boutonnière et dans le canon de leur fusil en signe de ralliement ou, plus simplement, des œillets donnés spontanément par les fleuristes en disposant.
À l'origine de ce geste une femme, Celeste Caeiro, qui travaillait dans un restaurant de la rue Braamcamp de Lisbonne, transportait des fleurs d’œillet blancs et rouges pour les offrir aux clients du restaurant. Un soldat lui aurait demandé une cigarette, mais elle n'avait que ces fleurs et a commencé à les distribuer aux soldats, qui les ont mis dans le canon de leurs armes. Puis, les fleuristes ont fait de même,,.
Depuis 1926, le Portugal est une dictature. L’Estado Novo, un régime conservateur et nationaliste créé en 1931 s'appuie sur l'armée, sur les États-Unis et sur la police secrète d'État et militaire (la PSDEM). Il est dirigé à partir de 1968 par Marcelo Caetano qui a succédé à António de Oliveira Salazar (resté au pouvoir de 1933 jusqu'à son accident vasculaire cérébral en 1968).
Toutefois, l'Estado Novo est affaibli par de nombreux problèmes. D'abord, il ne réussit pas à développer le pays (l'un des plus pauvres d'Europe). Ensuite, une grande partie de la population rejette, de plus en plus, le conservatisme moral et le manque de liberté. Enfin, à compter de , en Angola, le régime a déclenché des « guerres de pacification » visant à maintenir la colonisation portugaise face aux révoltes indépendantistes (Angola, Mozambique, Cap-Vert, Sao-Tomé-et-Principe et Guinée-Bissau). Mais c'est l'enlisement après plus de dix années de guerre, qui font de plus en plus de victimes parmi les jeunes enrôlés par la conscription et parmi les officiers engagés. Les guerres coloniales deviennent ainsi l'un des terreaux de la révolution.
Dès 1972, le gouverneur et commandant des Forces armées en Guinée, António de Spínola tente de convaincre le président du Conseil, Marcelo Caetano, de trouver une solution politique aux guerres coloniales qu'il considère comme perdues car les pertes en hommes sont énormes et le moral des troupes très affecté.
Caetano refuse. Le régime préfère une défaite à une quelconque négociation. Il espère en sortir blanchi et faire porter la responsabilité de la défaite sur l’armée (armée déjà rendue responsable de la perte des possessions indiennes – opération Vijay).
En , à l'occasion d'un congrès de soutien au régime, des officiers proches de Spinola contestent, pour la première fois, et publiquement, la stratégie du régime tout en déclarant vouloir défendre eux aussi l’intérêt de la nation.
Parallèlement, une partie des officiers subalternes commence à tourner le dos au régime. En 1973, cette opposition s'organise autour du rejet par des officiers de carrière de deux décrets-lois (nos 353/73 et 409/73) censés faciliter le recrutement d'officiers nécessaires sur le front africain en y incluant des civils ayant déjà fait leur service. Ils créent alors le Mouvement des Forces armées (MFA).
Cette contestation est d'abord plus d'ordre corporatiste que politique. Mais, malgré le retrait des décrets, les réunions du MFA se poursuivent. Elles débouchent sur l'idée que la guerre est à l'origine de tous les problèmes et que la sortie de la guerre passe forcément par un changement politique. Si certains participants évoquent déjà l'idée d'un coup d'État, la majorité est alors pour une solution légaliste.
Pour agir, le MFA se structure avec la création d'une commission coordinatrice en 1973 dont font partie Dinis de Almeida, Vasco Correia Lourenço (pt), Rodrigo de Sousa e Castro (pt), Mario Frazao, Mariz Fernandes, Campos Andrade, Sanches Osorio (pt), Hugo dos Santos, Otelo Saraiva de Carvalho et Correia Bernardo.
Le MFA met en avant trois propositions (programme des trois D) :
En 1973, Spinola accepte le poste de vice-chef des armées, créé spécialement pour lui par le gouvernement. Mais, le , il se rapproche du MFA en dénonçant une tentative de coup d’État droitiste par le général Kaulza de Arriaga. Il multiplie les contacts avec le MFA, cherchant à unir les contestataires sous son commandement et en leur demandant de rester dans la légalité en attendant la sortie de son livre qui devrait porter un coup au régime. Le rapprochement est difficile car le MFA se pose des questions sur le projet politique de Spinola.
La sortie du livre de Spinola Le Portugal et l'avenir le fait l'effet d'une bombe. Même s'il ne parle pas de renverser le régime, il prône la démocratisation du pays et une progressive autonomie des colonies dans une structure fédéraliste. Il remet ainsi en question l’un des piliers et source de fierté du régime, l’empire. Le livre décomplexe ceux qui n’osaient s’opposer publiquement à la poursuite de la guerre.
Marcelo Caetano comprend la menace pour son pouvoir. Il sait qu’il ne peut continuer à gouverner sans le soutien des principaux officiers dont Francisco da Costa Gomes et Spinola. Il les convoque le jour-même, le , et leur propose de revendiquer le pouvoir auprès du chef de l’État. Spinola refuse, estimant qu’il est de toute façon trop tard pour le régime.
Parallèlement, le MFA s'organise. Son effectif s’accroît, son organisation s’améliore. Il décide de sonder les positions des principales unités militaires du pays quant à la solution du coup d’État. Les forces militarisées comme la GNR (gendarmerie), la PSP (police) et la GF (douane) restent pro-gouvernementales. Le MFA tente un rapprochement avec les autres corps des forces armées composés majoritairement d’officiers de l’armée de terre (les forces aériennes participent aux réunions du mouvement mais la marine reste à l’écart méfiante ; ni les unes ni l’autre ne participeront au mouvement du ).
Face aux événements, le MFA prend clairement parti pour le coup d’État et fixe les grands objectifs politiques du mouvement.
Le régime réagit en changeant d’unité certains officiers, dont Vasco Lourenço (pt), qui finissent par être arrêtés.
En , Spínola et Costa Gomes démissionnent de leur poste. Leurs prises de position sur le cours de la politique coloniale portugaise sont devenues intenables face aux ultras du régime.
Un groupe d’officiers décide alors d'intervenir sans attendre. Le , les unités de Caldas da Rainha avancent vers Lisbonne. Elles échouent, et deux cents militaires sont arrêtés.
Dans le même temps, Spínola tente de plus en plus d’influencer le MFA sur les préparatifs du coup d'État mais aussi sur son programme.
C'est pourtant le que le MFA lance les opérations pour renverser le régime dictatorial notamment sous l'impulsion et l'organisation d'Otelo de Carvalho qui conservera un rôle politique majeur dans la période politique qui suivra la chute de la dictature salazariste. La diffusion par la radio de Grândola, Vila Morena, chanson de Zeca Afonso interdite par le régime, annonce le départ des militaires révoltés du MFA pour s'emparer des points stratégiques du pays. En quelques heures, le pouvoir s'effondre.
Durant ces opérations, malgré les appels réguliers des « capitaines d'avril » du MFA à la radio incitant la population à rester chez elle, des milliers de Portugais descendent dans la rue, se mêlant aux militaires insurgés. L'un des points centraux de ce rassemblement est le marché aux fleurs de Lisbonne, alors richement fourni en œillets. Une femme travaillant dans un restaurant pour les offrir à ses clients, Celeste Caeiro, en donne à plusieurs militaires ; les fleuristes du marché suivent son exemple. Certains militaires insurgés mettront cette fleur dans le canon de leur fusil, donnant ainsi un nom et un symbole à cette révolution.
Marcelo Caetano, réfugié dans la caserne principale de la gendarmerie de Lisbonne, est encerclé par le capitaine Salgueiro Maia et ses hommes, tous membres du MFA. Voulant à tout prix éviter que le pouvoir ne tombe dans la rue (ou aux mains du MFA qu'il considère comme un mouvement communiste), il accepte de se rendre à condition de remettre le pouvoir au général Spínola, ce qui sera fait après accord du MFA. Caetano est alors emmené sous escorte et exilé vers le Brésil.
Seule la PIDE, police politique, oppose une résistance armée et tire dans la foule, faisant quatre morts, uniques victimes de cette révolution. Cette résistance est anéantie dans la nuit du 25 au 26.
Comme prévu, le pouvoir est aussitôt confié à une Junte de Salut national (JSN). Elle est composée de militaires prestigieux : Spínola, Costa Gomes, Jaime Silvério Marques, Galvão de Melo, Pinheiro de Azevedo et Rosa Coutinho. Vers 1 h 30, elle se présente aux Portugais en lisant une proclamation rédigée par le MFA. Cette proclamation affirme que le pouvoir sera remis aux civils à l'issue de la tenue d'élections libres, et insiste sur la volonté d'une politique dite « des Trois D » : « démocratiser, décoloniser et développer ». Pourtant, très vite, les divergences entre les différents protagonistes se font jour et provoquent une longue période de troubles au Portugal plus connue sous le nom de Processus révolutionnaire en cours (PREC).
Les prisonniers politiques sont libérés. Les dirigeants des partis politiques en exil peuvent dès lors revenir triomphalement au Portugal : le socialiste Mário Soares le et le communiste Álvaro Cunhal le .
Le journal República attire l'attention de ses lecteurs sur l'émission Limite de cette nuit-là.
Les années qui suivent le sont marquées par la démocratisation du pays et la décolonisation. Ces transformations se font malgré des divisions majeures entre le MFA qui souhaite une révolution radicale, les socialistes et les sociaux-démocrates qui veulent modérer la révolution, et Spinola qui veut la limiter le plus possible. Le pays est durant deux ans marqué par une agitation importante appelée PREC (grèves, occupation des terres des grands propriétaires, tentatives de putsch…). Il faut attendre l'adoption de la nouvelle Constitution portugaise, le , et l'élection de Ramalho Eanes à la tête de l'État pour que la situation se « normalise ». C'est durant ces deux années que les colonies portugaises deviennent indépendantes à la suite d'un vote du reconnaissant leur droit à l'autodétermination. Par conséquent, le la Guinée-Bissau déclare son indépendance, suivie du Mozambique (), du Cap-Vert (), de Sao Tomé-et-Principe () et de l'Angola et de Cabinda ().
Owlapps.net - since 2012 - Les chouettes applications du hibou